Ecole de la course au large, premier échelon à gravir sur l'échelle du futur skipper professionnel, aventure d'une vie, envie de vivre au contact de la mer nature pendant plus d'un mois de navigation, challenge de vaincre le soleil, la solitude, la soif, la faim, la peur de la navigation sans assistance extérieure, d'habituer son corps à dormir par tranches de 20 minutes, d'optimiser un " appartement " de 4 m3 vue sur mer avec cuisine, chambre à coucher, atelier et cabinet de toilette intégrés... La Transat 6,50 Charente-Maritime/Bahia est tout cela et reste bien cette fameuse course hors du commun !
30 ans déjà !
Trente ans après la création de l'épreuve, la 16e édition de la Transat 6,50 Charente-Maritime/Bahia 2007 partira le dimanche 16 septembre du pied de Fort-Boyard, symbole historique et médiatique de la Charente-Maritime, en direction de Salvador de Bahia (Brésil). Ex Mini-Transat, cette épreuve désormais mythique réunit tous les deux ans des skippers de tous horizons, petits, grands et futurs grands dans un esprit fait de solidarité, d'entraide et de respect et ce, toutes nationalités confondues ! La Transat 6,50 Charente-Maritime/Bahia est bien la course en solitaire la plus internationale qu'il soit avec pas moins de 16 nationalités représentées. Cette 16e édition réunira slovènes, américains, australiens, anglais, espagnols, italiens, suisses, belges, français, hollandais, portugais et brésiliens...
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Un homme, un bateau, l'océan...
" Affronter l'Atlantique sur une coque de noix " est la bonne image. Daniel Gilard, premier vainqueur de cette Transatlantique hors norme sur son Petit Dauphin, ne savait pas vraiment ce à quoi s'attendre quand il suivit l'idée de Bob Salmon en 1977. Mais le défi est bien réel et la Mini-Transat d'alors va acquérir ses lettres de noblesse au fil des éditions sous le vent des Route du Rhum, Transat Anglaise et autres Vendée Globe, destinations pour certains finales de cette expérience vécue version Mini. Course en solitaire sans assistance extérieure, bateau de 6,50 mètres de long et océan Atlantique sont donc les trois ingrédients de cet incroyable plat maritime servi avec une escale aux Iles de Madère. Et la formule n'a pas changé d'un mille aujourd'hui, témoin cette phrase de Daniel Gilard, extraite de " Petit Dauphin sur la peau du diable " (Editions Julliard) : " Bob Salmon a scindé l'épreuve en deux étapes. La première, dite sélective, doit permettre aux solitaires qui ne se sentent pas suffisamment aguerris physiquement, moralement et techniquement, de pouvoir renoncer, abandonner, rentrer chez eux sans éprouver de honte ni de déshonneur. "
À chacun sa course...
Rêve de victoire pour certains mais rêve de traverser l'Atlantique pour tous ! Et si la mentalité du " Un pour tous, tous pour un " est bien le quotidien des Ministes, chacun y va de ses objectifs. Bateau optimisé pour la gagne pour quelques favoris, d'autres larguent les amarres pour vivre l'aventure d'une vie, voir même l'aventure d'une famille avec déménagement avec femme et enfants à quelques mètres du ponton. La Transat 6,50 Charente-Maritime/Bahia est bien l'école primaire de l'humilité et de la franchise et ce, vis-à-vis de ses proches comme de soi-même.
Hommes, femmes et...
La Transat 6,50 Charente-Maritime/Bahia est-elle victime de son succès ? Oui ! Résultat cette année, ils seront 84 au départ, répartis entre les unités prototypes et les bateaux de série. Ils auraient pu être 100, tant cette Transatlantique en solitaire attire, comme un aimant, amateurs et semi-pros. Et ils sont de tous les âges, jeunes ou moins jeunes, hommes et femmes. Ces dernières seront cette année 9 à couper la ligne de départ le 16 septembre prochain.
Petit budget deviendra...
" Chambre avec vue à louer, petit budget "... Telle pourrait être l'annonce d'un Ministe en quête d'un budget ! Il faut dire que 6,50 mètres de longueur de coque n'offrent guère de place pour vivre. Et les 4 m3 d'intérieur ne sont guère favorables à la folie des grandeurs. Réchaud pour chauffer des plats lyophilisés, petite table à cartes pour déployer le sésame de la bonne route, voiles rangées dans leurs sacs, trousse à pharmacie dans une boite étanche, petite réserve d'eau douce, ballasts compensateurs d'équilibre, VHF collée à la cloison, crayons et compas armés de velcro pour ne pas les égarer, salopette et veste de quart entassées dans un coin encore humides, caisses à nourriture soigneusement orchestrées, passeport et papiers du bateau à portée de main, casquette et crème solaire à portée de corps... mais où diable se trouve le lit ? Si la tendance gros gabarits est difficile à vivre, vivre à bord d'un Mini est un véritable sacerdoce. Et que dire de ceux qui dorment à bord au ponton faute de " budget hôtel " suffisant pendant les mois de préparation ? Et que penser quand il faut entrer mouillé et trempé dans cet habitacle que l'on protège des embruns au maximum ? Il faut vraiment le voir et le vivre pour le croire...
Un aspirateur à talents...
Tous y sont passés et tous le reconnaissent : cette Transatlantique est bien la porte d'entrée dans le monde de la course au large. Vaste entonnoir et aspirateur à talents, cette course est placée sous l'adage du " Passe ta Mini d'abord ! "... Il faut dire que les prédécesseurs sont d'illustres gaillards et il suffit de plonger la tête dans la liste des inscrits pour en attraper le tournis. Isabelle Autissier, Catherine Chabaud, Ellen MacArthur, Yves Parlier, Jean-Luc Van Den Heede, Michel Desjoyeaux, Thierry Dubois, Loïck et Bruno Peyron, Yvan et Laurent Bourgnon, Roland Jourdain, Patrice Carpentier, Sébastien Josse, Thomas Coville, Jacques Caraës, Lionel Lemonchois, Luc Bartissol, Halvard Mabire, Lionel Péan, Didier Munduteguy... Ils sont tous là ! " Sur l'eau, j'ai pris conscience de la vraie solitude car j'étais privé de moyens de communication. A l'arrivée, je me suis rendu compte que je m'étais débrouillé en vrai solitaire, que j'avais fait marcher le bateau sans me poser de question. On devient dur au mal... et barjot " dixit un certain Thierry Dubois, vainqueur en 1993 sur Amnesty International.
Livrés à soi-même...
Pour partir, chaque marin se doit de remplir un certain nombre de critères : avoir un bateau répondant aux normes de jauge en vigueur mais aussi posséder un " historique " avec son coursier acquis lors de courses et de navigations qualificatives. Mais, si la sécurité a pris du galon ces dernières années, ce qui prédomine dans cette Transat 6,50 Charente-Maritime/Bahia est toujours et encore l'esprit. Pas de routage, pas d'aide extérieure, les 84 marins sont toujours livrés à eux-mêmes pour une traversée de l'Atlantique initiatique et unique dans le monde de la course au large. Aussi, chaque marin se doit d'être capable de rejoindre par ses propres moyens un port si problème à bord, il y a. C'est la porte d'entrée dans la vie de skipper professionnel, c'est la porte d'entrée dans le monde de l'autonomie, de la responsabilisation et ce fameux sens marin prend ici toute sa vraie valeur !
Ils ont dit :
Daniel Gilard, vainqueur en 1977 : " c'est parce que l'Océan, quand souffle la tempête, se couvre de crêtes sombres que les marins de jadis disaient qu'ils prenaient "la peau du diable". C'était du sale temps pour les hommes de la mer. Ce sale temps, je le subis depuis onze jours, depuis le 8 octobre 1977. Ce jour-là, avec 25 autres concurrents, j'ai pris le départ de la Mini-Transat en solitaire, une course organisée par un britannique un peu maboul, Bob Salmon, et réservée à des voiliers dont la longueur n'excède pas 6,50 mètres. De cette première édition de la Mini-Transat, on a peu parlé. Une sorte de silence hostile, méprisant, a recouvert la régate. Tout le monde était contre... Bref, pour tous, nous courons à l'hécatombe. De toute part, on nous prophétise des naufrages et des noyades. Nous sommes fous à lier d'affronter l'Atlantique sur nos coques de noix... " (Extrait de Petit Dauphin sur la peau du Diable - Editions Julliard).
Loïck Peyron, 26e en 1979 : " Mon frère Bruno avait couru en 1977... À 19 ans, naviguer était la seule manière d'évoluer, même si la Mini était moins un examen de passage qu'aujourd'hui. J'ai découvert la coque de mon bateau dans un champ à La Rochelle : Alcor (du nom d'une petite étoile de la Grande Ourse), un plan Cordelle, conçu pour les lacs. Je suis parti presque sans savoir faire une droite de hauteur, avec un sextant en plastique et le manuel. Comble de malchance, mon superbe chrono digital solaire est tombé en panne à la première vague : j'étais privé de longitude. À l'escale, nous avions le sentiment d'être l'équipage d'un unique navire. Daniel Gilard était un aîné, je buvais ses paroles. Avec une carène peu adaptée au portant, j'ai terminé cinquième de la seconde étape, émerveillé de découvrir Antigua. Sans botte, avec un demi ciré et aucun moyen, j'ai appris la précarité du métier : le gros budget est arrivé quinze ans plus tard ! ".
Yves Parlier, vainqueur en 1985 : " j'ai suivi les débuts de la Mini-Transat dans Voiles et Voiliers. J'ai vécu ainsi la première, j'ai été passionné par la deuxième et j'ai failli disputer la troisième sur un Muscadet d'école de voile. J'avais même rencontré VDH pour lui demander des conseils. Je choisis Jean Berret (architecte) car il venait d'être battu par Lucas, je le sentais motivé pour prendre sa revanche. Je finissais mes études en matériaux composites et je connaissais le milieu industriel autour de Bordeaux : la construction d'Aquitaine démarre en novembre 1984. Du mannequin à la coque, j'ai tout réalisé moi-même. J'ai été obligé de partir dans le Jura pour fabriquer les plaques de Nomex destinées au pont. J'ai terminé en juillet 1985. Cette expérience m'a beaucoup servi ensuite pour le 60 pieds Aquitaine Innovations car j'ai appris à gérer un projet complet. La Mini est également enrichissante pour la culture solitaire. Elle est de loin la course qui me laisse le meilleur souvenir. À l'escale, nous étions inséparables, une vraie famille ".
Laurent Bourgnon, 2e en 1987 : " c'est la vraie voile, celle que j'aime. Elle est accessible à tous. Avec un petit budget et une grosse volonté tu peux la disputer. Et puis surtout, l'ambiance est exceptionnelle. Entre les concurrents il existe une réelle amitié. On se parle, on se donne des conseils. Après, la voile perd cette fraîcheur .... "
Isabelle Autissier, 3e en 1987 : " je revenais d'une année de croisière avec un retour en solo sur l'Atlantique : j'avais envie d'éprouver ma technique en course. Faute de budget, j'ai loué un proto en bois moulé qui avait déjà une Mini au compteur. L'ambiance était sympa, il existait une réelle fraternité. La Mini-Transat m'a rendue dingue, une révélation totale. L'arrivée aux Canaries, à la tombée du jour, était magique, j'étais pourtant épuisée par 43 heures de barre... En prenant le départ, je n'étais pas coureur... à la fin, je l'étais devenue. Pendant la traversée, je me suis rendu compte qu'il existait en moi une véritable hargne -insoupçonnée- pour faire marcher le bateau. L'autre intérêt de la Mini-Transat est de démarrer en douceur avec ses sponsors, car ils ne prennent pas de risques. Une fois ma troisième place acquise, ce sont eux qui m'ont demandé de continuer et j'ai pu poursuivre sur le Figaro. Sans cette Mini, j'aurais repris mon boulot, je serais à l'EMA (École maritime et aquacole) ou ailleurs... mais pas à la barre d'un 60 pieds ! "
Philippe Vicariot, vainqueur en 1989 : " La Mini-Transat est une histoire d'enfant, un rêve de gosse. C'est la vie. À l'arrivée, il n'y a que des gens heureux. En comparaison, le Figaro est une histoire d'adulte. Dès le départ, j'ai eu peur : je traversais pour la première fois l'Atlantique, je découvrais le solo... Je connaissais par coeur les trois critères annonciateurs d'un cyclone, dont la température de l'eau. J'avais un thermomètre à bord... mais je n'ai jamais osé l'utiliser ! Je ne sais pas pourquoi j'ai gagné. Peut-être parce que j'avais compris les ingrédients de la réussite. Les recettes d'une Mini sont assez simples : il faut un bateau rapide et ne pas casser. J'ai donc passé mon temps à fiabiliser. "
Catherine Chabaud, 12e n 1991 : " Ce fût ma première transat en solitaire. C'est une course magique à tous points de vue. Pour les marins d'abord, c'est une formidable école. On en sort tous grandis. Personnellement, j'y ai connu mes plus fortes sensations. "
Marc Thiercelin, 13e en 1991 : " C'était ma deuxième transat. Elle fût un révélateur. Traverser tout seul l'Atlantique n'est pas une sinécure. Sur un 6,50 c'est plus délicat encore. Car, si ces monocoques sont petits, les vagues sont toujours aussi hautes ! "
Michel Desjoyeaux, 31e en 1991 : " Au bout de deux semaines, je me suis retrouvé seul au milieu de l'océan. Je ne savais pas où se trouvaient mes adversaires. Nous avions seulement une petite VHF qui ne servait plus à grand-chose. J'ai traversé psychologiquement une période délicate. Je partais pour une compétition et je me retrouvais dans la position d'un aventurier. Coupé du monde, je n'y étais pas préparé ! Que l'on soit sur un proto ou sur un bateau de série, il faut traverser l'Atlantique et cela ne se fait jamais sans risque. De plus, humainement, cette transat est idéale pour ceux qui rêvent d'une belle et grande aventure et sert toujours de révélateur à ceux qui visent plus haut. Elle est presque un point de passage obligé dans une carrière. "
Thierry Dubois, vainqueur en 1993 : " La Mini est une épreuve à laquelle tout "voileux" s'intéresse. En 1983, les photos de l'arrivée à Antigua m'ont fait délirer. Je rêvais de participer à cette course. Je suis devenu préparateur : je travaillais au chantier AMCO et je naviguais en croisière sur un Muscadet... La synthèse de ces éléments m'a amené à la Mini. J'y ai appris à monter un projet en me défonçant à terre. Sur l'eau, j'ai pris conscience de la vraie solitude car j'étais privé de moyens de communication. A l'arrivée, je me suis rendu compte que je m'étais débrouillé en vrai solitaire, que j'avais fait marcher le bateau sans me poser de question. On devient dur au mal... et barjot. Je crois que cette joie d'avoir réussi rassemble les "Ministes" et leur fait partager des valeurs communes. À tel point que l'on se moque de ceux qui ne l'ont pas disputée, en leur disant " Passe ta Mini d'abord ! ".
Yvan Bourgnon, vainqueur en 1995 : " Tu es seul face à l'océan. Là, pas de contact radio permanent. Tu ne peux pas appeler maman. Si tu veux aller au bout de toi-même, c'est la course qu'il te faut. "
Ellen MacArthur, 15e en 1997 : " C'est elle qui m'a donné le goût du large. Je n'oublierai jamais. "
Thomas Coville, 11e en 1997 : " Il y a des moments où tu te poses des questions si jamais il y avait quelqu'un qui te voyait. Tu te ballades sur ton bateau, à poil, barbu, dans un état ! J'ai énormément appris lors de la première étape. J'avais cassé un safran et mon spi de tête et ça m'a calmé pour la deuxième étape. J'ai l'impression d'avoir plus appris entre la première et la deuxième étape qu'avec bien d'autres courses. Le solitaire ? Ca m'a vraiment plu. Beaucoup plus que je ne pensais. Mais la navigation en solitaire rend amnésique sur les mauvais moments. Quand tu arrives, tu as l'impression que tout s'est bien passé. "
Site officiel de la mini transat : www.transat650.org